Pour réfléchir sur la notion d'équilibre, j'ai commencé par employer l'image du funambule afin de rompre avec l’idée de fixité. C’est essentiel, car il ne faut pas confondre ce qui est stable (dans la tempête) et ce qui est fixe, d’autant qu’un système dynamique est fragilisé par l’immobilisme, un peu comme un mariage qui s’autodétruit faute de projets communs.
Néanmoins, l’image du funambule n'est toujours pas la bonne. En effet, un funambule avance sur un fil qui détermine pour lui un axe autour duquel se définit son équilibre. Or, le problème de l'équilibre humain est que le désir qui lui donne son axe ne cesse de se redéfinir. Non seulement le vent souffle sur nous dans toutes les directions, mais c'est aussi un peu comme si notre fil changeait tout le temps de place ! Dans ces conditions, un funambule ne pourrait pas tenir une seconde.
Que fait notre cœur ? Pour nous rassurer, nous prenons l’attitude de celui qui décide de sa posture : autrement dit, nous nous attribuons à nous-mêmes les modifications de notre fil. C’est idiot, parce que cela nous met encore plus à la merci des mouvements involontaires des émotions, laissées sans contrôle aussi longtemps que l’individu se croit maître de ses décisions, ce qui signifie qu’il isole l’image qu’il a de lui-même.
Or, si l’on veut penser la notion d'équilibre, on ne peut pas se limiter à « mon équilibre ». C’est donc ici qu’il faut rompre avec l’idée même d’un développement personnel ou (c’est pire en anglais) de self help. L’équilibre – y compris l’équilibre « intérieur », c'est-à-dire émotionnel – ne peut pas être un rapport entre moi et moi : il dépend de la manière dont les éléments circulent dans un ensemble plus vaste de choses et de personnes. De la même manière que dans un bateau de marchandises, c'est la position des caisses autant que l'orientation des voiles qui permet de maintenir l'équilibre, il faut penser qu’un équilibre « intérieur » se joue principalement dans la façon dont on dispose ce qui se trouve « à l’extérieur » de soi.
Avant que la tempête ne se lève, c'est donc la qualité de l'environnement que l'on crée autour de soi, les personnes que l'on fréquente, les films qu'on regarde, les musiques qu’on écoute, les livres qu'on lit, les idées auxquelles on s'intéresse qui vont contribuer à mettre en forme les émotions que l'on va ressentir dans les épreuves de la vie. Ensuite, ces émotions vont favoriser les réponses adéquates à des situations nouvelles qui mériteront le terme d'équilibrage.
Ainsi, aussi longtemps que l'on pose le problème de l'équilibre à partir d'une seule personne, on est condamné non seulement à mal le concevoir, mais surtout à ne jamais le trouver – sauf dans les moments d’immobilité, de fixité. Il faut plutôt admettre que le travail d'équilibrage dépend, pour ainsi dire, de toutes sortes de câblages, de lests, de contreforts, etc. Pour réaliser une chose aussi difficile, tout un appareillage est nécessaire. Vous aurez beau faire tous vos efforts pour vous récupérer, si vous avez sauté sans parachute, vous vous écraserez par terre.
Conclusion : une personne équilibrée, c'est d'abord quelqu'un qui dispose d’énormément de points d’appui. Lorsque ces appuis manquent, il n’y a pas d’autre urgence que de s’en rendre compte (non pour se culpabiliser, mais pour grandir) et de les constituer ou reconstituer avec patience. À la prochaine tempête, on fera des ajustements afin de multiplier les points d'appui et d’optimiser les équilibrages…
Bonne navigation !
Maxime
J’adore…Merci !🏄🏻♀️
Les points d’appui seraient donc nos rencontres, nos activités, nos lectures, etc.?