Peut-on rester soi-même sous la menace ?
Un pas vers la compassion envers les communautarismes.
Les réflexions de la semaine dernière ont assoupli mon rapport à mon identité individuelle. Mais que dire des identités collectives, alors qu’elles divisent la société ?
Pour aborder ce problème, remontons un cran en arrière, lorsque les penseurs du XIXe siècle rêvaient d’une communauté politique entièrement lisse, qu’ils appelaient le « peuple », et d’une entité unique pour les organiser, qu’ils nommaient la « nation ». Cette approche de l’espace politique semble toute simple. Mais l'histoire du XXe siècle a montré que cette vision des choses conduisait les nations à s’affronter entre elles et les peuples à se vivre en ennemis (comme on le voit encore aujourd’hui).
Où en sommes-nous aujourd’hui ? On voit les membres de toutes sortes de communautés, généralement minoritaires (mais pas seulement), qui affirment avec force leur identité.
Face à eux, celles et ceux qui refusent les étiquettes, qui déplorent que les gens s'enferment dans leurs identités, qui dénoncent les assignations, n’ont pas complètement tort, du fait qu’une identité devrait rester fluide et dynamique pour permettre la vie. Néanmoins, ils oublient que si l’on revendique fortement une identité dans l’espace public, c’est principalement en réponse à des souffrances personnelles et collectives que ce groupe subit à cause d’un autre groupe. Les discours fondés sur l'identité sont donc les témoins d'une souffrance et les vecteurs d'une inquiétude, souvent liée à la conviction (justifiée ou pas) d’être en danger. Leur objectif est de rendre visible et audible dans le débat politique l'existence de personnes qui se sentent menacées
Voilà pourquoi la question politique des identités réclame du tact et de la réflexion. Car plaider pour l'improvisation et l'adaptation permanentes comporte un risque : ce serait garantir la mise à disposition des individus aux bons plaisirs de tous les pouvoirs (notamment économiques) qui sauront leur imposer leur logique.
Par conséquent, on peut admettre que se réfugier dans l'identité, c’est entrer dans l'Histoire à reculons, car tous les peuples, toutes les communautés et tous les individus sont dans un devenir perpétuel. Mais il faut alors examiner ce qui place des communautés entières dans l’impression (réelle ou pas) qu’on les menace. La question des identités est donc, en définitive, celle des conditions de vie. On ne peut la résoudre qu’en faisant disparaître l’impression d’être en danger.
A l’échelle individuelle, nous devons chercher en permanence le juste milieu entre la flexibilité absolue, où l'individu serait détruit, et la rigidité absolue, où l'individu serait de nouveau détruit. Il nous faut vivre en funambules, conscients que nous tomberons régulièrement soit d'un côté, soit de l'autre : parfois dans l'aliénation, parfois dans l'obstination. Le juste milieu n’est pas une position, mais un effort pour sans cesse corriger sa trajectoire.
A la semaine prochaine,
Maxime
Un délice de lecture.
J'aime comparer les processus vivants comme une fonction d'onde : ils ne peuvent se réduire à l'observation de leur état à un instant t. C'est l'ensemble dans l'espace et dans le temps qui permet dans dégager une vision d'ensemble cohérente... et qui permet d'anticiper (ou d'extrapoler) avec plus de respect.
merci beaucoup c'était mon projet d'investiguer la vie et sa relation avec la menace. Mon pitch préparé et toute fière de mon travail pionnier, je l'ai partagé et présenté..... beau malheur. Cela m'a fait réfléchir et considérer l'évidence "je crains d'avoir une menace coincée dans la gorge", mais comment la nommer et s'en défaire. Face aux 99,99999 % de dyspathie que l’identité humaine projette vers le monde, je me suis demandé : la menace ainsi identifiée est-elle réellement menaçante ? Ou est-elle volontaire, construite comme un artefact pour nourrir un but, une forme de cohésion, ou même une quête de reconnaissance et d'appartenance (en somme un ersatz de la dépassion)? J'ai persévéré "il y a bien une arme contre la menace, celle ci n'est certainement pas invincible" et j'ai pensé à la neutralité..... La débâcle. En attendant l'idée suivante, j'attends patiemment un kit de survie, la neutralité étant douloureuse ! Alors à la question peut-on rester soi même sous la menace, je réponds oui, même celle ci reste coincée dans la gorge. Le danger on peut le choisir, mais le subir c'est peut être cela la magie de la vie!